Cette installation urbaine est réalisée grâce à la participation aléatoire de nombreux collectionneurs. Jeune ou vieux, riche ou pauvre, homme ou femme, la posture du collectionneur traverse en effet les milieux sociaux et les générations et c’est cette discordance symbolique qui apparaît ici fructueuse. La puissance poétique du résultat repose en effet sur cette hospitalité offerte à tous les collectionneurs souhaitant participer. Chacun apporte son monde, car la collection est souvent la cristallisation d’une obsession poursuivie avec opiniâtreté durant de longues années. Durant cette traque, chaque collectionneur a aiguisé son regard, approfondi la séduction intuitive des premiers objets réunis au profit d’un savoir de plus en plus raffiné au fil de l’accumulation de cette série d’objets, une fidélité accumulative qui lui impose de penser pour classer, hiérarchiser, échanger.

Ces imaginaires collectés sans souci hiérarchique sont ensuite inscrits à l’intérieur de cabinets de curiosité d’échelle urbaine installés en pleine rue. La Collection de collections repose sur la fertilité de l’inattendu, des relations dynamiques entre ces imaginaires hétérogènes rapprochés en voisinage. Le visiteur peut entrer dans la plupart des espaces afin de s’immerger dans chaque collection, reflets de l’originalité de chacune de nos vies.

Ces objets collectionnés sont en quelque sorte des générateurs ou des accélérateurs de conversation. En ce sens, la Collection de collections constitue une invitation à la promenade dans le foisonnement des imaginaires humains et des altérités. Espace d’hospitalité, cette collection de mondes propres régénère l’espace public en suscitant rencontres et échanges. Elle embrouille, dénoue et fluidifie les hiérarchies établies et couramment admises entre l’œuvre et la marotte, le grand art et l’art populaire, l’espace intime et l’espace public, le spécialiste et l’amateur. Elle propose de rendre visible et de faire circuler des paroles qui ne sont pas entendues, des pratiques qui ne sont pas attendues, des intuitions qui ne sont pas considérées.

C’est sur le front de la territorialisation d’un espace public organique que la Collection de collections apparaît porteuse d’une actualité. Car si aujourd’hui de nombreux citoyens apparaissent dépris des représentations politiques classiques, ils sont pourtant attentifs aux mutations sociales et urbaines contemporaines et participent quotidiennement de nouveaux agencements.

C’est un paradoxe momentané de notre époque : derrière l’apparence d’une attention flottante, d’un désintérêt pour la chose publique, une nouvelle citoyenneté est particulièrement active dans les réseaux sociaux numériques et transforme aujourd’hui l’Internet en espace public contributif, de mise en commun, d’échange, de mobilisation ou d’action alternatives. L’espace public classique semble délaissé, quand l’espace virtuel est désormais massivement investi par des sujets qui ressentent le besoin de s’approprier leur vie, de la prolonger en la donnant en partage, de l’accomplir et la ressourcer en lui donnant une présence élargie.
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