Les paysages fixes, stables, arrêtés n’existent pas. Le sédentaire et le définitif ne sont que des illusions d’optique ou de perception. Tout dans le paysage remue, tangue, chaloupe, bouscule, migre et se déplace…. Les paysages sont parcourus de vastes mouvements imperceptibles – la dérive des étoiles, la fonte des glaciers ou la migration silencieuse des plantes et des forêts testant sans cesse les sols, les vents dominants et les expositions. Les paysages sont aussi témoins des migrations et transhumances qui caractérisent l’ensemble du règne animal, de l’hirondelle à l’anguille, une formidable pulsion qui déplace le vivant à la surface du globe sans boussoles ou système de géolocalisation embarqué. Chacun de ces étonnants voyageurs emporte au long cours des fientes gorgées de graines, des bactéries exogènes et des mélopées renouvelées qui refondent les écosystèmes et nos imaginaires. Les dynamiques du paysage sont encore constituées d’accélérations inattendues : avalanche, tonnerre ou tempête. Le paysage reprend alors toute sa place, une sauvagerie abrupte qui nous déborde et s’impose au-delà du temps de l’espèce humaine.

Mais les paysages sont surtout reconfigurés par les activités et les circulations humaines. Notre expérience quotidienne du paysage ne consiste que rarement à le contempler assis sur un banc, mais plus fréquemment à le traverser distraitement assis à 130 km/h. Aussi, à contrario de l’itinéraire trop bien tracé de la route principale nous projetant au plus vite vers une destination déterminée, cette saison 02 de paysage>paysage vous propose de cheminer disponible au hasard et à l’inattendu, attentif à toutes les rencontres, de déguster le temps qui passe, le temps qui change, d’oublier les certitudes ou les inquiétudes pour laisser la part belle à l’échappée.

La programmation de la saison 02 est conçue avec cette attention soutenue à l’enchevêtrement des mouvements qui trament les paysages et tendent le cours du monde, que chemineront les auteurs ou les artistes invités à l’occasion de cette nouvelle saison de paysage>paysages.

En voici les premiers temps forts :

Le paysage fait son cinéma,

  • Un film de films conçu par Agnès Bruckert accompagné d’un concert instantané de paysages avec Actuel Remix (Xavier Garcia et Guy Villerd)

En circulant grâce au doigté d’Agnès Bruckert parmi les cinéastes les plus virtuoses du cinéma mondial, nous découvrons combien chaque film enchevêtre intimement en un espace commun les personnages au premier plan et le fond où semble s’ancrer le récit. De plan large en faux raccords, les paysages façonnent nos perceptions, préparent et anticipent l’action, la débordent parfois pour envahir l’écran, rompre avec le fil de la narration, avaler les personnages et nous désorienter.

Bas quartiers sordides ou somptueux panoramiques, de nombreux paysages ont laissé en nous une empreinte qui structure profondément notre sensibilité et notre identité. C’est cette identification paradoxale à une fiction totalement mouvante qu’amplifie le duo de l’ARFI « Actuel Remix » en accompagnant le flux d’images, le ponctuant de paysages sonores instantanés.

Esplanade de la caserne de Bonne à Grenoble, le 21 décembre de 17 h à 21h

 

Atlas des déplacements,

  • Une exposition conçue par Guillaume Monsaingeon avec les œuvres de Cécile Beau, Christo, Nicolas Consuegra, Fernand Deligny, Caroline Duchatelet, Cédrick Eymenier, Ymane Fakhir, Christoph Fink, Eléonor Gilbert, Chris Kenny, Lucien Le Saint, Francis Limérat, Hans Op de Beeck, Quadrature (Juliane Götz + Sébastian Neitsch), Claire Renier.

(Quadrature)

Mouvements lents, presque immobiles, mouvements rapides, parfois imperceptibles voire invisibles. Action et contemplation. Mouvements saccadés, mouvements réguliers ou habituels. Déplacements des êtres animés, mécaniques des machines devenues essentielles à la maîtrise de nos propres mouvements et à la connaissance des territoires. Les œuvres réunies dans l’Atlas des mouvements enregistrent le paysage avec des échelles situées entre 0 et 30 000 km/h.

 
(Caroline Duchatelet)


(Nicolás Consuegra)

Musée Hébert du 21 décembre au 21 mars 2018

 

Graphies de déplacement

  • Une exposition de Mathias Poisson

Les cartes subjectives de Mathias Poisson sont des réductions du paysage par décoction. Il note ses promenades à vif sur ses carnets, attentif au moindre événement mais en cultivant une absence délibérée de hiérarchies entre les informations qu’il consigne. Puis il distille et infuse les objets et les plantes rencontrées afin d’en extraire les encres de ses dessins. Il compose alors une carte sensible, sorte de condensé du lieu qui invite à lui emboîter le pas. Il présente ici une suite de traversées du paysage à travers des villes aussi différentes que Marseille, Tokyo, Naples, Alger ou Istanbul, puis lors d’une seconde exposition il nous fera découvrir les travaux originaux réalisés durant 5 séjours en Isère.  

Le VOG -centre d’art de Fontaine, du 7 décembre au 31 mars 2018.

 

Montagne défaite

  • Une exposition de Olivier de Sepibus

Olivier de Sépibus arpente les Alpes pour saisir les mouvements intérieurs des glaciers et des roches, les failles, les brèches, les fractures, les lentes dislocations, les ruptures vives et les éboulements. La masse d’apparence éternelle apparaît ici étrangement fragile et tourmentée, et sa présence solide semble appartenir à une étape provisoire de l’histoire terrestre.Ses photographies actualisent notre imaginaire de la haute montagne en fixant frontalement l’état actuel de massifs alpins qui se défont lentement en désert de pierre, entraînant avec eux les rêves de conquête et d’héroïsme d’un homme « maître et possesseur de la nature« . Car, si nos représentations sont défaillantes, elles peuplent toujours les présentoirs à cartes postales.

Jardin du Musée de l’Ancien Évêché de Grenoble, du 21 décembre au 21 mars 2018

 

Lieux-dits, un précipité de vies

  • Une exposition conçue par Philippe Mouillon avec la collaboration de Jeanine Medelice

Les quelques centaines de mots déposés au sol de l’allée centrale du musée de Grenoble sont un condensé des milliers de noms de lieux-dits qui titrent – ou plutôt sous-titrent, avec soin le paysage.Ces fragments sont tenaces – certains mots plongent leurs racines dans un temps antérieur à l’occupation romaine, et ont été si souvent mastiqués et prononcés par des bouches nouvelles que leurs sens aujourd’hui affleurent mais ne cessent de se troubler et de nous échapper : Vipéreuse, Miséroud, Mal-Pourchie, Les Écondues, Les Écorrées, Les Embouffus… car le mot est là, sans y être. Il appartient à une langue, fantôme de la nôtre.

Musée de Grenoble, du 8 février au 11 mars 2018