memento vivere

 

Les présences (copyright P.Mouillon 2024 )

 

Memento vivere est une recherche prospective, qui deviendra publique au printemps 2025 sous une forme hybridant la création contemporaine et la recherche en sciences sociales. Elle poursuit nos travaux antérieurs autour du vivant et des vitalités, sous un nouvel angle. Car l’art demeure un outil puissant pour recadrer nos vies, les situer à leur juste mesure dans le temps long de l’humanisation et le grand cycle du vivant.

Il peut nous aider notamment à admettre combien les générations disparues composent notre matrice, combien nous menons toujours notre vie, accompagné par leurs mots et avec leurs outils. C’est ainsi qu’elles nous socialisent et nous humanisent. Il s’agit d’une fonction sociale vivace, c’est à dire agissante dans le monde des vivants. Aucune civilisation n’existerait sans cette transmission des mots et des savoirs, des symboles et des outils.

Rien de nécrophile dans cette recherche mais, à l’heure de l’anthropocène et de l’effondrement des équilibres écosystémiques, la volonté de questionner et recadrer nos vies, de les situer à leur juste mesure dans le temps long de l’humanisation et dans les dynamiques enchevêtrées du vivant.

> Opus 01 : Les Présences

La première action publique prendra place au voisinage des deux fosses communes du cimetière du Petit-Sablon, sur la commune de La Tronche, qui accueillent des anonymes, des indigents, des sans-familles-connues et des personnalités irréductibles qui firent le choix d’être inhumés ici par pure conviction, défiant ainsi l’ordre social pour l’éternité. Elle s’intitulera Les Présences.

Philippe Mouillon reprend ici le vocabulaire des portraits photographiques reproduits sur porcelaine, présents dans de nombreux cimetières, où ils témoignent de l’ordre social et familial d’autres époques. On feuillette ainsi tout un écosystème social, un mille-feuille de présences éteintes qui évidemment nous affectent. Car malgré les alignements, une ordonnance d’apparence immuable, les cimetières sont des lieux de désordres, désordre affectif bien sûr, mais déroute plus abyssale encore devant l’évidence de notre insignifiance. À l’œuvre partout et pour tous, nantis ou indigents, l’irrésistible dissolution silencieuse de ce qui fut une vie dans l’impalpable.

En quelques décennies, ces portraits deviennent si érodés par les cycles d’intempéries et la puissance corrosive des rayons solaires qu’ils en deviennent illisibles. Ils semblent gommés par l’excès de lumière ou rongés par l’humidité et les micro-organismes. La texture chimique se décompose en une colorisation exténuée, parfois absurde ou extravagante. Les individualités se dissolvent ainsi et s’effacent lentement, ce qui est d’autant plus troublant que la photographie atteste évidemment que cette existence fut pourtant vécue, avec son quotidien ordinaire de joies et de peines, ses passions et ses drames. Mais en se dissolvant, ces images ne conservent plus la trace d’une existence singulière mais témoignent pourtant d’une présence.

C’est cet anonymat des individualités dissoutes dans une humanité commune qui sera ici amplifié, en un vaste livre de porcelaines qui nous détachera du continuum de la vie quotidienne pour évoquer un présent plus profond où survivent des présences.

copyright Philippe Mouillon

Opus 02 : D’autres artistes seront invités à intervenir au fil des mois dans les cimetières de l’agglomération grenobloise. Le premier artiste en résidence sera Rachid Koraichi. Outre un Jardin de mémoire réalisé dans le cadre du Festival des Jardins de Chaumont, Rachid a notamment pris l’initiative de concevoir Jardin d’Afrique en bordure de Méditerranée afin d’accueillir les corps de migrants disparus en mer et leur assurer ainsi une mémoire digne d’être pleurée.

Avec les soutiens du ministère de la culture (Drac Auvergne Rhône-Alpes), de la région Auvergne Rhône-Alpes – dans le cadre des appels à projets Mémoires du XXI siècle, du Département de l’Isère, de la Ville de La Tronche

Atelier-monde

Atelier-Monde tente d’initier un processus d’interrogation en interface avec le public, comme une boucle qui interroge, comme un dispositif d’incubation destiné à refonder la vie de la cité. Ce va et vient entre l’expérience quotidienne et concrète de tout à chacun – ici localisé, et les expériences d’une multitude d’auteurs – disséminés dans le monde, renouvellent l’espace public en l’arrachant aux pesanteurs héritées de l’habitude pour déplier d’autres cohérences.

Le cercle des auteurs associés dès l’origine à l’initiative atelier-monde : les artistes Maryvonne Arnaud et Philippe Mouillon, les sociologues Yves Chalas et Henry Torgue, les philosophes Daniel Bougnoux et Yves Citton, ont affirmé clairement ce postulat en invitant des auteurs vivants en Rhône-Alpes comme Jean-Pierre Chambon, Olivier Frérot, Luc Gwiazdzinski, Bernard Fort, Xavier Garcia, et en les confrontant à d’autres, disséminés dans le monde, comme Bruno Latour, Stefano Boeri, Janek Sowa, François Ascher, Abdelwahab Meddeb, Osamu Nishitani, Patrick Chamoiseau, Bernard Stiegler, Augustin Berque, Thanh Nghiem, Alaa El Aswany, Shumona Sinha

Atelier-Monde place les représentations esthétiques au cœur du dispositif d’échange. Chaque atelier s’ouvre et s’appuie sur des images, des films, des fragments sonores, autant d’indices du monde qui provoquent et stimulent la réflexion, mais qui permettent aussi et surtout de préserver un échange intellectuel accessible au citoyen ordinaire, car plus intuitif et ouvert sur l’expérience intime.

Cette collecte mondiale de doutes est une tentative de rendre visibles les impensés de l’époque, les fragilités des représentations et des interprétations dominantes d’un réel qui s’échappe, qui n’est jamais là où on le cherche, ou sous la forme attendue.

  Maryvonne Arnaud

 

un monde en soi

local.contemporain 07 / 80 pages / éditions le bec en l’air

Textes de Patrick Chamoiseau, Daniel Bougnoux, Maryvonne Arnaud, Yves Citton, Images de Maryvonne Arnaud

 

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La part manquante

Qu’est-ce que ça veut dire, l’humain ? Comment se représenter cette notion toujours en devenir devant ou entre nous, et toujours à construire ? Comment penser ou délimiter, à l’époque de la mondialisation, notre idée de l’humanité ?

N’allons pas nous raccrocher à une idée un peu fausse, ou rance, de l’humain : l’humanité réside entre nous en partage. Cette notion équivoque suggère que celle-ci ne se donne jamais que “ partagée ” par le don réciproque des langues, des cultures, en même temps qu’elle demeure irréductiblement morcelée. On ne sait pas très bien ce qu’est ou ce que peut l’humanité, dont nous ne possédons qu’une parcelle, dont nous ne connaîtrons jamais qu’un minuscule échantillon.

“ Les autres ” figurent indéfiniment cette part manquante, énorme, qu’il nous reste sans cesse à documenter et à explorer. Part manquante est aussi un terme de physiciens, ce qu’ils désignent comme l’antimatière, que nous ne connaissons pas, n’ayant accès qu’à la matière qui exige toutefois, pour exister, cette part qui nous échappe.

Dans nos rues comme dans toute l’étendue du ciel noir, des corps s’élaborent et parfois se frôlent, à des distances incommensurables. Comment jamais mesurer l’homme ?

Daniel Bougnoux

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jeux de paysages

A l’occasion de l’ouverture de l’Hôtel de région Rhône-Alpes construit par Christian de Porzamparc,  l’équipe conduite par Philippe Mouillon a élaboré une exposition à la fois interactive pour les visiteurs et ouverte aux contributeurs disséminés dans le territoire. Chaque visiteur peut cheminer en constituant sa propre exposition puis en l’abandonnant à la disposition des visiteurs suivants. Chaque habitant ou usager de Rhône Alpes peut la compléter en déposant des contributions sur un site dédié.

Le cheminement prend appui sur une grammaire de lieux-dits témoignant d’un réel désormais dispersé, oublié.  Les lieux-dits sont autant de récits fragmentaires, lacunaires, mais tenaces, de connivences intuitives, d’expériences pratiques, de combinaisons sensorielles, d’événements sensuels et érotiques accumulés puis légués par les individus ayant pratiqué ce territoire avant nous. Ils trament le territoire, le traduisent et l’incorporent dans des interprétations du monde.

De ce terreau s’échappent des figures inattendues d’une grande puissance de désorientation. De la Grotte Chauvet au Palais Idéal ou à l’unité d’habitation de Firminy, quelques ouvrages révèlent en effet une profondeur imaginaire nouvelle qui excède tout ancrage dans un lieu et dépasse toute inscription dans un temps.

Ils rompent les contraintes établies. Ils se projettent au-delà. Ils abusent, débordent, déforment, affolent. Ils sont guidés seulement par l’intuition d’un autre possible élargissant les possibilités humaines, augmentant l’espace d’hypothèses et d’interprétations nouvelles. Ces ouvrages font émerger une perception exogène, déterritorialisée, amnésique qui renouvelle et revitalise fortement les représentations spatiales et temporelles en leur associant des textures, des saveurs, des perceptions inédites.

Ces formes déconcertantes, d’une virulente capacité de désorientation, sont en quelque sorte le prétexte à nous interroger sur l’orientation. A l’ancrage identitaire et aux formes héritées, elles répondent trajectoires, logiques floues, turbulences incalculables. Elles déboussolent, mais anticipent pourtant les formes prochaines de territorialisation.

>> Télécharger le livret de l’exposition (pdf)

 

Maryvonne Arnaud, Yann Blanchi, Philippe Marin, Philippe Mouillon

Maryvonne Arnaud, Yann Blanchi, Philippe Marin, Philippe Mouillon

Maryvonne Arnaud, Yann Blanchi, Philippe

Maryvonne Arnaud, Yann Blanchi, Philippe

Maryvonne Arnaud, Yann Blanchi, Philippe Marin, Philippe Mouillon

Maryvonne Arnaud, Yann Blanchi, Philippe Marin, Philippe Mouillon

Maryvonne Arnaud, Yann Blanchi, Philippe Marin, Philippe Mouillon

Une exposition crée par : Maryvonne Arnaud, Yann Blanchi, Philippe Marin, Philippe Mouillon

Avec les représentations de :

Maryvonne Arnaud : chronophotographie
Marjolin Beltrol : plan-fixe
Gaëlle Cintré : street-view
Vincent Costarella : photographies des usages Jérôme Duc-Maugé et Sylvie Perrin : court-métrage
Léo Duverger : promenade à vélo
David Mouillon : précipité
Jessie Morfin : lieux-dits
Sylvain Pauchet : panoramique 360°
Fabien Ponçon : cartographie numérique
Zygmunt Z : GPS

Composition générale : Philippe Mouillon
Scénographie : Maryvonne Arnaud et Yann Bianchi – www.superlab.fr
Environnement numérique : Philippe Marin et Sylvain Pauchet – www.astrolab.net
Secrétariat général : Violette Page
Relecture, traduction : Pascale Garnier
Graphisme : Pierre Girardier, Philippe Borsoi
Post-production numérique : Fabien Ponço
Cartographie : Jessie Morfin
Recherche iconographique sur internet : Violette Page
Régie : Emmanuel Davias
Étude mécanique : Michel Arnaud
Médiation de l’exposition : les étudiants de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Lyon
Production : Laboratoire sculpture-urbaine www.www.lelaboratoire.net

les contributions de : Images partagées sur les sites d’échanges Flickr et Facebook : Silvain Ajonc, B.Martine, Guillaume Bacciotti, Emeline Belliard, Adrien Bey, Manuel Bigourdan, Yann Botella, Alain Boué, Alain Cachat, Romain Cassagne, François Cattin, Philippe de Chabot, Guillaume Chagnard, Loïc Chollier, Olivier Clozel, Sheila Cromie, Sailly David, Théophile Demarle, Christophe Durand, Jérémie Duval, Denis F., Helio Garcia, Stéphane Gemmani, Rémi Genoulaz, Pierre Goiffon, Denis Guillaume, Lulu Guiraud, David Huguet, JaHoVil, Frédéric Joly, Schaguy Jung, K r y s, Ludovic Launer, Mathilde Mariette, Pieter Morlion, Oras, Pattoune, Marie-Christine Petitjean, Thomas Pollin, Claude Richard, Richard Reverte, Christophe Ronat, Eric Simon, Stefho74, Jérémy Thille, ToyPinChao, Tom Van Der Sijp, Minke Wagenaar architect NL, Jean-Louis Zimmermann

crédits et remerciements Hôtel de Région : © Adagp Paris 2011, Christian de Portzamparc, Antoine Cardonna, Jean-Paul Bajard, Grotte Chauvet : Jean Clottes / DRAC Rhône-Alpes, David Huguet, Ardèche Images, Syndicat mixte Espace de restitution de la Grotte Chauvet-Pont d’Arc Unité d’Habitation : © FLC Adagp Paris 2011, Jacques Léone / Grand Lyon, Pierrick Arnaud / Région Urbaine de Lyon, Marc Chatelain, le réseau Utopies Réalisées – un autre regard sur l’architecture du XXème siècle  www.utopies-realisees.com, Gare TGV : © Adagp Paris 2011, Jean-Luc Rigaux, Théâtre Antique : Jean-Luc Rigaux Couvent de la Tourette : © FLC Adagp Paris 2011, Jacques Léone / Grand Lyon, le réseau Utopies Réalisées – un autre regard sur l’architecture du XXème siècle  www.utopies-realisees.com Cité du Design : Jean-Luc Rigaux Les Gratte-ciel : Pierrick Arnaud / Région Urbaine de Lyon, le réseau Utopies Réalisées – un autre regard sur l’architecture du XXème siècle  www.utopies-realisees.com Station des Arcs : © Adagp Paris 2011, Eric Dessert, David Magnin Les Etoiles : Jacques Léone / Grand Lyon, Pierrick Arnaud / Région Urbaine de Lyon, le réseau Utopies Réalisées – un autre regard sur l’architecture du XXème siècle  www.utopies-realisees.com Maison Unal : Joël et Claude Unal, Château d’eau : © Adagp Paris 2011, Pont en fil de fer : Jean-Luc Rigaux, Nouvelle buvette, © Adagp Paris 2011.
Nous remercions tout particulièrement l’ensemble des services de la Région Rhône-Alpes pour leurs aides et leurs conseils.

points de repère

local.contemporain 06 / 80 pages / éditions le bec en l’air

Textes de Patrick Chamoiseau, Bernard Stiegler, Daniel Bougnoux, Yves Citton, Thanh Nghiem, Chris Younes, Jean Guibal, Olivier Frerot, André Micoud, Janek Sowa, Luc Gwiazdzinski, Henry Torgue.

Images de Maryvonne Arnaud, Sylvain Pauchet.

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Déboussolés !

C’est le terme qui s’impose fréquemment pour témoigner de l’incompréhension dans laquelle nous plongent les situations déconcertantes à l’échelle personnelle comme à celle de l’évolution du monde.

L’impression domine que les coordonnées stables qui assuraient un repérage correct et quasi permanent au fil de la vie d’une personne, vacillent et sont mises en doute. Fait nouveau, le monde change plus vite que la conscience individuelle. Les grands systèmes, la famille, le travail, la religion, la politique, l’économie, et même l’argent… s’avèrent des colosses aux pieds d’argile. Que devient-on lorsque les points de repère qui permettent à chacun de s’identifier et de se situer deviennent flottants ? Une époque sans points de repère partagés est-elle viable ?

Un double mouvement s’observe : d’une part, une quête éperdue de balises et d’amarres pour cadrer et référencer une vie symbolique rapiécée, où la consumation des valeurs fait écho à la consommation frénétique des objets ; d’autre part, un flicage effréné de la localisation et de la chronologie de chaque individu, piégé dans le labyrinthe de ses mots de passe, et dont chaque action banale en réseau génère des coordonnées l’épinglant sur la carte inquiétante d’une énigmatique surveillance mondialisée.

Pour comprendre quels sont les repères d’aujourd’hui et quels pôles attirent nos boussoles, ce numéro met en résonance trois ensembles : les lieux-dits d’une région, qui la parlent à leur manière et témoignent de la sédimentation de l’histoire ; les photographies de Maryvonne Arnaud, véritables commentaires visuels, qui expriment sans mots l’appel sensible aux repères ; et une suite de réflexions ouvertes, abordant plus particulièrement trois domaines fondamentaux : le lieu et ses racines ; les objets, la technique et le savoir ; la langue, tradition et traduction.

Toutes ces citations proviennent des débats de l’Atelier-monde, un cycle de rencontres initié par Philippe Mouillon et soutenu par La Criée, centre d’art contemporain de Rennes. Des philosophes, chercheurs, artistes et poètes y débattent librement de ces questions, constituant une « collecte mondiale des doutes », pistes de réflexion éloignées de toute doctrine et fonctionnant plutôt à la manière d’un jeu – dans les deux sens de ce mot : comme exercice ludique et aussi comme la légère mobilité qui permet l’aisance, évitant immobilisme et rigidité.

« Il n’y a pas de vérité première, il n’y a que des erreurs premières, la vérité est une erreur rectifiée » écrit Gaston Bachelard. C’est à l’adoption d’un regard « rectificateur » que voudrait contribuer ce numéro : faire émerger une pensée de la nuance, ne refuser aucun savoir, archaïque ou étranger, intégrer à l’analyse les visions de l’art et les intuitions de la poésie, jusqu’à faire du doute un repère.

Henry Torgue

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